Apport et réduction de capital : la saga excess cash continue

Les excédents de trésorerie ‘convertis’ en plus-values ou autre revenus non imposables attirent de plus en plus l’attention de l’administration fiscale qui, depuis quelques années, combat ces opérations à l’aide de la disposition générale anti-abus avec un certain succès.

Certaines jurisprudences ont déjà donné raison à l’administration (voyez ce numéro UpTaxed) et un nouvel arrêt de la Cour d’appel d’Anvers confirme à nouveau la réceptivité des juges à l’approche administrative.

Dans sa décision du 28 janvier dernier, la Cour confirme une fois de plus l’existence d’un abus fiscal et requalifie les revenus attribués en exemption d’impôts, en distribution de dividendes imposables.

Plus-values internes et utilisation de sociétés holding

Pendant des années, les contribuables actionnaires d’une société opérationnelle disposant de réserves importantes ont eu recours à différentes techniques en vue d’extraire ces réserves de la société en évitant le précompte mobilier dû sur les distributions de dividendes.

L’une de ces techniques consistait à créer une nouvelle société à laquelle les actions de la société opérationnelle seraient vendues, ce qui permettait la réalisation d’une plus-value (présumée exonérée), le prix de vente étant fixé tenant compte des réserves existantes. Dès la vente des actions, les réserves de la société opérationnelle étaient distribuées à la nouvelle holding qui pouvait alors payer le prix d’acquisition des actions à l’actionnaire.

Cette technique fut largement combattue par l’administration fiscale qui remporta quelques victoires en invoquant l’anormalité des opérations ou la spéculation pour refuser l’exonération de la plus-value. Depuis, l’article 344, §1er du Code des impôts sur les revenus fût remanié et offre une arme bien plus efficace pour combattre ces opérations, ce que les décisions de plus en plus nombreuses en la matière confirment.

L’affaire tranchée par la Cour d’appel d’Anvers concernait une variante à l’opération de vente évoquée ci-dessus, consistant à apporter les actions à une nouvelle société qui, une fois devenue actionnaire de la société opérationnelle, se faisait distribuer les réserves et procédait à une réduction de capital. A l’époque, de telles réductions de capital pouvaient être réalisées sans perception du précompte mobilier.

Abus fiscal et appauvrissement de la société

La Cour, dans sa décision, justifie l’abus à l’appui de la définition même du dividende, telle que modifiée par la loi du 22 décembre 1998.

Celle-ci stipule que les dividendes sont tous les avantages attribués par une société aux actions, parts et parts bénéficiaires, quelle que soit leur dénomination, obtenus à quelque titre et sous quelque forme que ce soit. C’est une définition volontairement très large qui, selon les travaux préparatoires, suggère l'idée d'un appauvrissement dans le chef de la société qui correspond à un enrichissement dans le chef de l'attributaire de l'avantage.

La Cour souligne cette caractéristique en insistant sur ce fait : la notion vise toute distribution correspondant à un appauvrissement de la société et à l'enrichissement corrélatif du bénéficiaire.

En l’espèce, la circonstance que les réserves de la société opérationnelle aient été utilisées afin de financer la réduction de capital permet, selon la Cour, de considérer qu’il y a un appauvrissement de la société, un enrichissement de l’actionnaire et dès lors, une violation de l’objectif poursuivi par le législateur à travers la définition des dividendes.

Cela permet à la Cour de conclure à l’existence d’un abus.  

Importance des circonstances

Cette décision vient donc sérieusement teinter les conclusions de l’arrêt rendu par la Cour de cassation il y a quelques années, qui avait refusé de considérer une réduction de capital exonérée d'impôt comme un cas d'abus fiscal. Cette jurisprudence fût bien entendu invoquée dans cette affaire devant la Cour d’appel mais écartée, au motif que cet arrêt de cassation concernait une opération isolée et non une série d’opérations, ce qui n’est pas faux.  

En tout état de cause, cette nouvelle décision confirme dès lors la nette tendance de la jurisprudence à consacrer les raisonnements de l’administration fiscale lorsqu’elle combat les opérations visant à convertir des réserves, imposables au titre de dividendes, en opérations non-imposables.

Faut-il pour autant considérer que toute plus-value sera désormais requalifiée en distribution de dividendes ? Loin s’en faut, mais ces décisions soulignent l’importance des circonstances qui entourent ces opérations et qui sont systématiquement scrutées par les juges afin de sonder l’intention du contribuable et la conformité avec l’intention du législateur.

L’on ne pourra toutefois s’empêcher de constater que cette arme redoutable qu’est l’abus fiscal ouvre la porte à des conceptions de justice fiscale subjectives.

Quoiqu’il en soit, le diable se cache, une fois de plus, dans les détails.

Xavier Gillot

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