Procédure fiscale : prolongement des délais de contrôle
Il y a quelques mois fût communiquée l’annonce d’une refonte de certaines règles de procédure fiscale dont l’avant-projet fût adopté récemment en passant presque inaperçu vu l’émoi provoqué par le vaste projet de réforme fiscale abordé dans notre précédente lettre d’information.
Cet avant-projet a entretemps été approuvé et devrait aboutir prochainement.
C’est l’occasion de revenir sur les traits saillants de ces modifications qui octroient davantage de pouvoirs à l’administration fiscale dans le cadre de ses contrôles. L’avant-projet contient par ailleurs une multitude d’autres mesures étrangères à la procédure et assez variées, passant du bonus emploi à la dispense de précompte professionnel, ou encore de la non-déductibilité des bénéfices dissimulés aux indemnités kilométriques. Ces modifications ne sont pas abordées dans la présente lettre d’information.
De 7 à 10 ans
Une modification importante, fort décriée par la pratique, est l’introduction de nouveaux délais permettant à l’administration de rectifier des revenus en remontant à 10 ans dans le passé.
Actuellement, le délai ordinaire de taxation est établi au 30 juin de l’année qui suit l’exercice d’imposition. Un revenu de 2022 sera à déclarer en 2023 et peut donc, en règle, être enrôlé jusqu’au 30 juin 2024. En pratique, ce délai est systématiquement remplacé par le délai de trois à compter du 1er janvier de l’exercice d’imposition, applicable dès lors que la déclaration comporte une inexactitude.
Ce délai ‘ordinaire’ de 3 ans est prolongé par le Code de 4 années supplémentaires, pour le porter à 7 ans dans les cas de fraude, sauf pour ce qui concerne les ‘constructions juridiques’, au regard desquelles ce délai complémentaire est de 7 ans, permettant à l’administration de revenir 10 ans en arrière.
Sous le (futur) nouveau régime qui sera applicable dès l’exercice d’imposition 2023, les deux premiers délais demeurent. Le délai ordinaire allant jusqu’au 30 juin de l’année suivant l’exercice d’imposition n’est pas modifié et le délai de 3 ans à partir du premier janvier de cet exercice d’imposition reste applicable pour les cas d’irrégularité. L’avant-projet ajoute cependant une exception pour les cas de remise tardive ou d’absence de déclaration, pour lesquels le délai sera désormais de 4 ans (et non plus 3 ans).
Un nouveau délai de 6 ans, prenant court le 1er janvier de l’exercice d’imposition, est par ailleurs introduit pour certaines irrégularités (paiements à des paradis fiscaux).
Enfin, le délai de 7 ans disparaît au profit d’un nouveau délai de 10 ans (3 + 7), prenant court le 1er janvier de l’exercice d’imposition, qui devient applicable au cas de fraude mais également en cas de « déclaration complexe », ce qui vise les déclarations concernant des dispositifs hybrides, des bénéfices non-distribués, des montages non-authentiques ou encore des constructions juridiques.
Les délais extraordinaires instaurés par l’actuel article 358 du Code (e.g., découverte de nouveaux éléments dans la cadre d’une enquête) ne sont pas modifiés sur le fond mais plusieurs allongements sont prévus pour les précomptes mobiliers et professionnels.
Et pour la TVA ?
Les délais applicables en matière de TVA, moins nombreux qu’en impôts sur les revenus, n’échappent pas à un remaniement visant à aligner ceux-ci aux nouvelles règles d’impôts directs. Ils visent la taxe exigible à partir du 1er janvier 2023.
L’avant-projet prévoit de porter le délai ordinaire de 3 ans à 4 ans en cas de déclaration tardive ou de non-déclaration et pour les cas de fraude, le délai extraordinaire passe de 7 à 10 ans.
Obligation de collaboration renforcée
Lors de contrôles, les contribuables sont tenus d’octroyer aux fonctionnaires fiscaux un libre accès à leurs locaux professionnels (et parfois privés), de communiquer leurs livres et documents et plus généralement, de collaborer avec les fonctionnaires en vue du contrôle de leur situation fiscale.
Face à des contribuables récalcitrants, les contrôleurs ne peuvent toutefois eux-mêmes forcer l’accès aux locaux ou fouiller ces locaux. Ces contribuables risquent une sanction administrative, sans que d’autres mesures de représailles ne puissent toutefois les contraindre à collaborer.
Dorénavant, l’administration fiscale sera autorisée à porter l’affaire au Tribunal, suivant les délais du référé, afin de faire condamner le contribuable à produire les documents requis, à donner l’accès demandé (etc.), sous peine d’astreinte.
Cette nouvelle possibilité sera offerte aux contrôleurs dès le dixième jour suivant la publication de la loi au Moniteur belge.
Obligation de notification préalable
En vue d’une simplification des règles de procédure, il avait été envisagé au cours des travaux préparatoires de supprimer l’obligation qui existe actuellement pour l’administration de notifier au contribuable les indices de fraude qui pèsent contre lui avant toute application du délai de 7 ans.
Le projet adopté ne supprime finalement pas cette obligation mais l’adoucit : une notification préalable sera toujours exigée pour les extensions de délais visant la fraude mais elle ne devra plus indiquer ‘précisément’ les indices de fraude au contribuable et pourra se contenter de notifier la présomption de fraude et l’intention d’appliquer le délai prolongé.
Les autres situations permettant dorénavant à l’administration de faire usage d’un délai de 10 ans ne sont quant à elles pas soumises à cette obligation de notification préalable.
Conservation des documents : adaptation corrélative
Assez logiquement, à partir de l’exercice d’imposition 2023, les délais de conservation des livres, documents et données informatiques sont adaptés pour être portés de 7 à 10 ans (ou exercices comptables) après l’exercice imposable.
Il en va de même pour la TVA.
Allongement du délai de réclamation
Le délai de réclamation contre une imposition est actuellement de 6 mois à partir du troisième jour ouvrable qui suit la date d’envoi de l’avertissement-extrait de rôle.
A partir du 1er janvier 2023, ce délai sera porté à 12 mois.
Registre UBO
Les données reprises dans le registre des ‘ultimate beneficial owners’ peuvent être consultées par l’administration fiscale concernant un contribuable déterminé, ce qui ne permet pas l’utilisation en masse dans le cadre des contrôles fiscaux informatisés.
Le nouveau texte supprime cette contrainte dans le but avoué de pouvoir utiliser les données du registre UBO dans le cadre du data mining.
Xavier Gillot