Options sur actions et rémunération de dirigeants d’entreprises : le fisc attaque…et gagne
La théorie de la rémunération n’a pas fini d’alimenter les tribunaux avec de nouveaux cas d’application. Forte de cette ‘interprétation’ de l’article 49 du Code des impôts sur les revenus, l’administration fiscale s’attaque à présent aux plans d’options sur actions (dits ‘réglementés’ par la loi du 26 mars 1999) et voit sa position confirmée par les Tribunaux.
Depuis l’introduction d’un régime favorable en 1999, nombreux sont les contribuables qui y ont eu recours en vue de bénéficier des avantages instaurés par le législateur. Alors même que l’essence du régime réside dans le régime (para)fiscal avantageux de cet avantage rémunératoire, l’administration semble à présent vouloir combattre les pratiques qu’elle considère comme abusives en la matière.
Une affaire récente concerne une société de management qui eut recours à cet instrument pour optimaliser la rémunération de son dirigeant (et actionnaire). La société se tourna vers un ‘produit’ confectionné par un prestataire spécialisé qui avait veillé à obtenir un ruling positif du Service des Décisions Anticipées concernant les conséquences fiscales de ce produit. L’administration refusa la déduction des frais liés aux options dans le chef de la société et ce point de vue fut suivi par le Tribunal de première instance d’Anvers.
Fiscalité des options sur actions
En substance, outre l’exonération au titre de revenus professionnels de la plus-value réalisée sur l’instrument, le deuxième avantage principal du régime instauré par la loi de 1999 siège dans une exonération de cotisations sociales dont peut bénéficier l’octroi des options dites réglementées.
En l’espèce, le produit souscrit par la société de management visait à octroyer des options au dirigeant dans le cadre de la loi de 1999 au titre de rémunération, ce qui occasionna des coûts dans la chef de la société qu’elle entendit déduire à l’impôt des sociétés au titre de frais professionnels.
La théorie de la rémunération
Depuis l’arrêt de cassation de 2016, la théorie de la rémunération est de plus en plus fréquemment invoquée par l’administration fiscale pour refuser la déduction de certains frais dans le chef d’une entreprise sur la base de la disposition générale introduisant le principe général de déduction des frais professionnels (article 49 du CIR).
Suivant le texte, des frais doivent, pour être déductibles, être faits ou supportés en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables. Au regard des rémunérations de dirigeants d’entreprises, la Cour de cassation a précisé que cette condition implique que les frais qui sont exposés pour octroyer certains avantages, ne sont déductibles par la société qui les octroient que si lesdits avantages répondent à des prestations effectivement fournies par le dirigeant d'entreprise au profit de sa société.
Si au départ, ce courant a permis à certains juges de sanctionner des constructions fiscales très particulières (telles que le montage usufruit / nue-propriété) qu’ils jugeaient abusives, avec le temps, cette théorie se propage à d’autres sujets pour aller frapper à présent l’octroi d’options sur actions.
Théorie de la rémunération et options sur actions
En l’espèce, l’administration contesta la déduction des frais liés à cette rémunération au motif que le contribuable ne put apporter la preuve que l’octroi de cet avantage rémunérait des prestations effectivement fournies par le dirigeant concerné.
Et malheureusement, à la lumière de ce nouveau courant jurisprudentiel, il faut reconnaître que le contribuable en question n’a pas bien ‘préparé’ son dossier et qu’il n’a pu apporter de preuve tangible.
Ce manque de preuve fût à nouveau invoqué devant le Tribunal par l’administration qui fut suivie par le juge : à défaut de pouvoir démontrer le lien entre cet octroi et des prestations effectives, la déduction fût rejetée.
Rémunérations de dirigeants : la nécessité de bonnes pratiques s’impose
Faut-il en déduire que l’octroi d’options à un dirigeant dans le cadre de la loi de 1999 ne peut plus être envisagé sauf à prendre des risques démesurés ?
La réponse est négative mais comme toute forme de rémunération qui serait mise en place pour profiter d’un régime particulier, l’octroi d’options sur actions nécessite le respect des conditions prévues et doit être appréhendé en tenant compte de toutes les conséquences qu’il peut emporter.
S’assurer de l’application du régime de faveur dans le chef du bénéficiaire n’est dès lors pas suffisant car il ne faut pas omettre de prendre en considération les implications propres à l’entreprise qui attribue les options. Dans le contexte actuel, veiller notamment à adopter les quelques mesures nécessaires à pouvoir démontrer que l’octroi rémunère des prestations effectives est donc de bonne pratique.
Et la valeur du ruling ?
Le contribuable souligna bien entendu que le prestataire spécialisé qui lui avait proposé le produit en question avait obtenu une décision favorable du SDA concernant ce ‘produit’ mais ni l’administration, ni le Tribunal n’y accorda la moindre valeur.
Ce qui est tout à fait normal. Un ruling est une décision individuelle qui n’a de valeur que pour le contribuable concerné par la demande particulière.
Même si un contribuable se place dans des circonstances totalement identiques et respecte toutes les conditions prévues par une décision anticipée, celle-ci n’a aucune valeur dans son chef si elle n’est pas décernée dans son chef.
Une fois de plus, cette décision le rappelle à juste titre.
Xavier Gillot